Rénovation du centre-ville version 8/3/2017
séduisant mais hors-sujet
La réunion publique du 8 courant succédait à celle du 6 Juillet, où quelques voix s'étaient élevées pour réclamer que la rénovation du centre-ville soit concentrée sur la mise en valeur de l'église. D'autres faisaient valoir que le centre de Sèvres ne se limitait pas au triangle formé par la grand rue et l'avenue de l'Europe, mais s'étend de l'ancienne manufacture de céramique à la pagode pour l'axe est-ouest, de la place du théâtre à la médiathèque construite par le maire précédent dans l'axe nord-sud.
A cette dernière réunion, la première option a été clairement retenue. Aprés quelques scénarios aux impacts budgétaires et écologiques excessifs, a été présenté un projet plus raisonnable et améliorant incontestablement l'existant. Mais faut-il vraiment s'acharner à essayer de rendre agréable l'espace le plus enclavé de la commune au motif qu'il contient l'église d'un village qui n'en est plus un ? L'attrait de Paris est-il fondé sur le parvis, d'ailleurs
récent, devant Notre-Dame ? Si l'on souhaite absolument une place rappelant l'Ancien Régime, il serait plus simple et moins coûteux de revoir circulation, stationnement et plantation devant l'ancienne manufacture, bâtiment véritablement exceptionnel lui, avec ses grilles datant de l'apogée de la ferronnerie d'art française, et rare exemple d'un passé dont le prestige n'est entâché d'aucune polémique. Car à notre époque troublée, rappelant par moment les sombres heures de nos guerres de religions, est-il vraiment judicieux de consacrer quelques 20 millions d'euros à la mise en valeur et aux fondations de l'agence locale du Vatican, dont nombre de sévriens, pour des raisons diverses, n'ont que faire, voire lui sont hostiles ?
Mais la divinité dont il fut question pendant toute la soirée était encore une autre. Celle-ci, munie de quatre roues et pour longtemps encore d'un pot d'échappement, exigeait son sacrifice rituel d'argent public. Combien de tabernacles pour mon pot d'échappement en centre ville, voilà le seul critère qui décidera de l'adoption du projet, si l'on s'en tient aux quelques dizaines de prises de paroles de la soirée. Mais quelques dizaines ce n'est qu'un millième de la population de Sèvres, certainement pas représentatives de celle-ci puisqu'il apparaissait que cette demande émanait exclusivement
d'habitants des coteaux, uniquement soucieux de venir dans le centre à bord de leur divinité motorisée.
Une petite voix du fond de la vallée s'est néanmoins faite entendre, s'étonnant qu'il n'existe aucun tarif résidentiel de stationnement au centre ville, contrairement aux coteaux où le stationnement est même parfois gratuit. N'y aurait-il pas là une injustice demandait-elle benoîtement ? La réponse municipale ne se fit pas attendre: le stationnement en centre ville est fait pour que les habitants des coteaux puissent stationner une petite heure dépenser leur argent dans les commerces locaux, pas pour faciliter la vie des habitants de la vallée.
Le micro repartit servir les voix des coteaux. Mais cette intervention libérait tout à coup le chuchottement d'autres voix, celles qui n'osent pas prendre un micro ni écrire à la mairie tant elles ont peu confiance en elles: quand pensera-t-on au quotidien des habitants de la vallée, aux revenus trop modestes pour s'offrir un parking, perpétuellement soumis aux pollutions atmosphériques et sonores du flux incessant des voitures avenue de l'Europe, toujours inquiets de l'inattention de leurs enfants face à lui ? A ce moment, on sentait que ce qui sépare les intérêts des habitants des coteaux et les besoins des habitants de la vallée sont plus qu'une vallée: un gouffre. Il y eu tout de même deux voix émanant des coteaux pour réclamer l'une des escaliers mécaniques publics (comme à Saint-Cloud), l'autre de fréquentes navettes électriques. Mais le ru de Marivel est encore assez profond pour que la mairie y noie ce poisson: circulez, il n'y a rien à financer leur fut-il répondu.
Sèvres n'est qu'à quelques kilomètres de Paris, qui a atteint récemment un pic de pollution supérieur à celui de Pekin, et en comptabilise chaque année toujours plus. Mais il fut impossible pendant cette soirée de rappeler que l'automobile n'est plus seulement une question de mobilité, mais de plus en plus une question de santé publique. A aucun moment n'a pu s'exprimer l'idée que préparer l'avenir de la ville consiste à développer au maximum des solutions alternatives à cet engin responsable chaque année de milliers de morts violentes ou prématurées.
Les divers scénarios présentés passent à côté du sujet, et envisagent nombre de démolitions de bâtiments construits il y a quelques dizaines d'années seulement. Le prétexte est connu: l'architecture d'après-guerre s'est permis toutes les brutalités, jusqu'à se nommer elle-même brutaliste, elle n'a que ce qu'elle mérite. Mais en la démolissant on ne fait que se soumettre à son idéologie de la table rase. On regrette aujourd'hui d'avoir démoli l'un des chefs d'oeuvre de Guimard, rue des binelles, étant certain alors qu'une architecture de béton serait esthétiquement plus pérenne que le style 1900. A qui va-t-on faire croire que démolir le voisinage récent d'une vielle église, c'est préparer l'avenir ? Faire face à la pollution et au réchauffement climatique, diminuer l'empreinte écologique des travaux publics, voilà ce que devrait être la première préoccupation. Il faut pour cela repenser totalement la voirie, car une ville où il fait bon vivre est une ville où la voirie est adaptée à son époque. En ne pensant qu'à l'intérêt esthétique d'un bâtiment produit en série par l'Ancien Régime, et aux carrosses à moteur de quelques uns, la mairie tourne le dos à l'avenir.
E. Saint-James
Habitant des coteaux, piéton du centre-ville